Ce matin, nous quittons Nasik en train seconde classe sans air conditionné pour Aurangabad. Quand j’ai acheté les e-tickets de train, il y a deux semaines, il ne restait plus que ca, mais j’ai pensé que ce serait l’occasion d’une belle tranche de vie indienne. Nous étions un peu inquiets après avoir vu la folie pour monter dans ces wagons dimanche soir en arrivant de Bombay mais la réception de l’hotel nous a rassurés hier en regardant nos billets et en nous disant que ce ne serait pas bondé et qu’avec une place numérotée, nous n’aurions pas de problème. Nous arrivons donc confiants (surtout moi) à la gare, avec une quarantaine de mn d’avance. Le quai n’est pas trop rempli, nous discutons un peu avec des indiens qui attendent comme nous, dont une famille, le père, ses deux fils, sa fille, sa belle-fille et son petit fils, un bébé qu’ils ont été très fiers de me coller dans les bras, qui partent aussi pour Diwali. Eux ont des billets ‘platform’, pas de place assise, juste assis ou debout entre les sièges.
Quelques mendiants dans la gare, j’ai donné 5 roupies (soit moins de 10 cm d’euro), une somme ridicule pour nous, à une dame, j’ai vu le fils de la famille au dessus donner le même montant que moi, et pourtant il n’avait pas l’air bien riche. Ca me rappelle un de mes premiers voyages, au Cambodge, j’avais donné 5 dollars à un mendiant, il faut dire qu’ils étaient tous terriblement estropiés à cause des mines khmers et que c’était particulièrement affligeant, et ils ont tous afflué comme des mouches, j’avais eu du mal à m’en dépêtrer. Si je donne trop, je renforce l’image de nanti, vache à lait d’occidental, si je donne comme un local, je me sens gênée de donner une si faible somme en proportion de mes revenus. L’idéal serait de donner peu à beaucoup mais il faudrait toujours avoir plein de menue monnaie sur soi et c’est rarement le cas. Nous avons en tout cas décidé de laisser systématiquement 10% de service au resto, les serveurs sont zélés et tellement nombreux qu’ils ne doivent pas être bien cher payés. Par contre, nous refusons de rémunérer les « faux » renseignements, par exemple le type qui demande où tu veux aller, mais le temps qu’il comprenne ce que tu veux, tu as trouvé avant lui, il n’a fait que te suivre, mais ne se gêne pas pour demander des roupies à l’arrivée. Bon, retour, à la gare après cette petite digression sur l’argent…
Notre train arrive finalement avec 20 mn de retard et aie aie aie, c’est archi plein dans les wagons. La technique pour monter est la suivante : tu te presses derrière les autres, tu pousses au maximum jusqu’à ce que ca passe. Le fils de la famille me répète : « come, come » qu’il faut que je me fonde dans son sillage mais c’est assez déroutant pour nous européens, avec les sacs sur le dos, on sait qu’on va coller plein de coups de sacs dans la tête des gens. Je vois aussi la mine dépitée de Francis, je sens un voyage qui s’annonce difficile, pressés comme des citrons dans la chaleur, qu’il va falloir jouer des coudes serrés pour arriver à nos places surement déjà occupées, bref, une seule solution : renoncer… Franchement toute seule, je l’aurais fait, un indien m’avait proposé de m’aider à porter mon sac pour la montée et je sais que mon statut de blanche seule aurait facilité mon accès dans le wagon. Nous allons donc devoir passer au plan B, c’est à dire le bus, sachant que s’il faut en arriver là, il y aura aussi le plan C, louer un taxi pour nous deux et qu’au pire, il y a le plan D, rester à Nasik un jour de plus et re-chopper le train de nuit qui va nous ramener à Bombay mercredi soir ici.
Nous reprenons donc un tuk-tuk pour la gare routière au centre-ville, et 15 mn plus tard, nous sommes assis dans un bus à moitié vide en partance pour Aurangabad. Un bus oui mais un bus ordinaire, pas de clim, des roues, des essieux, un moteur, le minimum quoi… A coté du train, ca nous semble quand même du luxe ;-). C’est aussi deux fois plus cher, 300 roupies soit 4,5 euros pour deux contre 150 pour le train, voilà sans doute pourquoi le train semble être préféré. A l’usage, nous nous rendrons aussi compte que c’est sans doute aussi pour des raisons de sécurité que les trains sont privilégiés, heureusement qu’on n’était pas assis devant, sinon crise cardiaque assurée. A un moment, nous avons même tellement pilé que ca sentait la gomme chauffée, sinon slalom permanent entre les autres véhicules, klaxon ininterrompu, mais le résultat était là, nous n’avons mis que 4h au lieu des 4h30/5h annoncées dans le bouquin.
Niveau paysage, des cultures, champs de coton, de cannes à sucre, mais mais aussi des friches, des pacages et des trous partout, a priori, la terre extraite pour faire les briques qui ont servi à construire les maisons. Peu de mécanisation pour les moissons, charrettes tirées par des vaches aux cornes immenses et de couleur, c’est assurément pauvre, très pauvre…mais les indiens sont toujours aussi bien habillés, saris chatoyants pour les femmes, chemises blanches pour les hommes. Niveau logement, un des pires trucs que j’ai vus (à part au Sri lanka après le tsunami), des camps de tentes de fortune (baches bleues, jaunes, oranges tendues sur des arceaux de bois), au début, je pensais qu’il s’agissait de recouvrir des stockages de fourrage ou autre mais non, des personnes vivent bien la dedans. Quand on voit ca, difficile de se plaindre du bus tape-cul, des routes défoncées et des amortisseurs déficients.
Assez éprouvés par le trajet, on se prend une des plus belles chambres de l’hotel, mais ca reste assez «basique» quand même. Le chauffeur de tuk-tuk qui nous a amenés de la gare routière à ici, nous a bien vendu son tour pour le lendemain (il nous a sorti des recommandations en français et espagnol sur un petit carnet), RDV est pris à 8h.
En attendant pour finir la journée, visite du « mini-taj », un taj mahal du pauvre, mais que j’ai trouvé très beau au coucher du soleil. J’ai fait ma star, on m’a demandé de faire pas mal de photos et je dois dire que j’adore ça, ça m’éclate de faire partie des souvenirs de vacances d’inconnus. Ensuite, balade dans la vieille ville d’Aurangadab, arrêt devant un tandoor (four) traditionnel avec un type qui faisait cuire des naans et deux sympathiques irakiens qui attendaient leurs pains, nous ont donné pas mal d’explications. Tout le monde nous salue, aucun autre touriste (à part au mini taj où nous avons croisé un groupe d’espagnols et à l’hotel avec une nana solo). Ensuite, encore un diner bien mérité, nous n’avons que grignoté le midi dans le bus, plein de viande tandoori (poulet et mouton), la nourriture, c’est vraiment le top ici.