Réveil à 4h30, la fille de l’accueil me l’a répété au moins 5 fois, je dois être à la réception à 5h au plus tard. Ca tombe bien, hier soir, j’étais vannée, je me suis endormie à 22h, avec 6h30 de sommeil ininterrompu, c’est une de mes nuits les plus longues depuis le début du séjour. A l’arrivée au bateau, je suis un peu déçue, il est rempli presque pour moitié de touristes, on y parle davantage français , anglais et chinois que birman ! Je me rends-compte pour la première fois de la quantité incroyable de français en vacances ici, jusque là j’en ai peu croisés (à part des groupes), mais tout le monde me dit que nous sommes nombreux.
C’est parti pour près de 14h de navigation sur l’Irrawady, jusqu’à Bagan. Sur les ponts, tout le monde s’installe du mieux qu’il peut, les européens dans des chaises, les birmans déploient des couvertures et s’allongent à même le sol. L’intérêt du bateau local, c’est bien sur les nombreux arrêts dans des villages pour décharger des paquets, ou embarquer des passagers. A chaque fois, le même rituel, les vendeuses de fuits et légumes, samoussas, gateaux se manifestent bruyamment à l’approche du bateau, puis nous sollicitent pour vendre leur produits à prix fort, mais la misère ambiante est si visible que payer 4 samoussas un dollar ou deux pour un paquet de gâteaux, ne coute pas vraiment. Les femmes ont, quasiment comme partout, le visage recouvert d’une pâte jaune, le thanakha, une sorte de produit de beauté naturel, qu’on trouve aussi parfois en Thaïlande, et sont habillées de manière assez dépareillée, avec la jupe longue traditionnelle et un haut plus européen, souvent des chemisiers à manches courtes, les hommes portent quand à eux le « longyi », un grand bout de tissu noué à la taille, qu’ils entrecroisent entre leurs jambes (façon sumo) comme un short quand il faut par exemple décharger le bateau. Les visages sont marqués, la pauvreté omniprésente. Les paillottes sont en bambou sur la terre ferme ou sur des iles au milieu des bras du fleuve, les charrettes tirées par des vaches (même modèle qu’en Inde, je parle bien sur de la vache, pas de la charette, encore que tout ça soit bien similaire !) semblent le seul moyen de locomotion. C’est aussi à la force des bras qu’on décharge un énorme moteur, ils sont plus de 8 à s’échiner dans le sable pour le remonter en haut de la berge. Dur dur…
Mais au milieu de tout ça, on voit certains touristes, pas complexés pour deux sous, qui descendent du bateau, se plantent au milieu, quitte à ralentir le travail, et dégainent leur appareil sous le nez des locaux pour immortaliser le tout. Déjà, avec mon zoom, que j’essaie de faire le plus discret possible, je suis un peu gênée, j’ai l’impression d’être au spectacle, du haut de mon bastingage, et j’espère très fort ne plus trop croiser ces voyeurs auxquels je n’ai pas envie d’être assimilée. Jusqu’à présent, j’ai pris peu de photos de personnes, et toujours avec leur accord, et essuyé aussi quelques refus à Rangoon, qui m’ont convaincue de laisser l’appareil-photo dans le sac, notamment sur les marchés. Je ne retrouve pas chez les birmans l’enthousiasme des philippins ou des malais, et je respecte bien sur leur désir, mais j’ai regretté ce jour de faire partie du troupeau de touristes et de n’avoir pas prévu quelques jours hors des sentiers battus. Sinon, les paysages sont splendides, le lever et le coucher de soleil sur le fleuve aussi, la Birmanie est une superbe destination de safari-photo et les appareils-photo d’un luxe ostentatoire, voire choquant, ne manquent pas.
J’ai demandé à mon hotel avant le départ de réserver une chambre pour mon arrivée tardive (ils m’ont d’ailleurs facturé ce service 300k , normal), pas question de me retaper une galère de piaule pour ma 3ème ville. Normalement il y a un « free pickup », on doit m’attendre avec une pancarte mais personne en vue. Je me décide pour y aller à pieds avec une française qui n’a rien réservé, elle a renoncé car à chaque fois, les chambres réservées ne sont jamais disponibles. Effectivement, j’arrive à l’hotel et pas de chambre… grrrrr…L’hotelier me dit qu’il n’a pas trace de la résa et appelle quand même l’hotel à Mandalay mais finit par me dire que ce n’est pas sa faute et qu’il y a eu une erreur. Ca me fait une belle jambe il est 8h30, tout est complet, nous commençons la tournée des hôtels au début à deux sur un pauvre rickshaw (j’estime que le type qui pédale se traine plus de 150 kg de françaises sacs inclus), ensuite chacune son vélo et son chauffeur. La 5ème, c’est la bonne, il y a UNE seule chambre à partager et quelle chambre… Pas de matelas, une pauvre natte tressée sur un sommier à lattes plus ou moins alignées, une salle de bains d’apparence potable, mais en fait, la chasse d’eau ne marche pas, et la commande d’eau chaude ne génère aucun filet d’eau ni chaude, ni froide ! Je passe sur les toiles d’araignées omniprésentes, de tous mes voyages, j’atteins ce soir le summum de la piaule pourrie ! En plus, pas de drap, ni de couverture, je me suis caillée toute la nuit, ma coloc a prévu quant à elle un sac de couchage, sage précaution. La nuit sera très difficile, je m’emmitoufle du mieux que je peux, mais j’ai froid et c’est dur comme du bois (un peu normal après tout ;-)). J’en ai profité pour discuter avec ma coloc, une habitante de Dordogne travaillant à Cancale une partie de l’année (suis pas dépaysée), et qui m’explique qu’elle a systématiquement eu des problèmes pour dénicher des chambres aux deux destinations que j’envisageais par la suite, Kalaw et le lac Inle. Ajouté à cela, ma saturation de touristes français, le fait que pendant le trek qu’elle a testé et que je comptais aussi tester, il a fait 4 degrés la nuit et que je ne suis clairement pas équipée pour de telles températures, je décide de changer mon programme. A quoi bon partir en individuel si on doit voyager comme un groupe, en réservant ses hébergements, en étant à 50 à dormir dans un monastère pendant le trek, je pense que la Birmanie mérite mieux que çela, pas envie de revenir déçue, je vais donc aller finir mon séjour dans le sud, dans les régions Mon et Karen, a priori moins visitées, tant pis pour le trek et le lac Inle, je reviendrai en début ou fin de saison ou quand le pays aura mieux réussi à gérer cette affluence touristique.